Tapis volant N°3 ou regard de psychanalyste sur les dessins animés. Le stade Phallique
19 mars 2013 à 16h38 - 4389vues
- le stade phallique
- Le Roi Lion 1
Poursuivant ses désirs d’exploration après être navré que son père lui interdise de chasser avec lui sur les terres interdites, le jeune Simba dont le passage au stade des muscles, de la maîtrise et de l’exploration n’est plus à démontrer, va, de concert avec le développement de ses échanges verbaux avec son entourage, continuer à désirer asseoir sa suprématie sur le vaste monde. Le désir de savoir soit, la pulsion épistémophilique, est une résultante de la pulsion d’emprise. La pulsion de vie, Eros, pousse à continuer de progresser avec cette force et cet entêtement incroyable qu’on observe chez tous les enfants bien portants.
Ayant eu connaissance qu’il existe des territoires inconnus depuis longtemps déjà, ainsi que de l’interdit qui repose sur l’exploration de ces territoires, il se trouve que ces informations prennent un nouvel éclairage compte tenu de l’avancée da Simba, le jeune lion, dans la structuration de son psychisme. Soudain, il devient important d’aller dans ces lieux interdits et pour cela d’utiliser une nouvelle compétence intellectuelle : la fabulation, le mensonge, ou encore le travestissement de la vérité afin de pouvoir contourner la loi, ou encore faire l’expérience du réel, du symbolique et de l’imaginaire. Le mensonge est une possibilité du langage dont l’enfant désire tester l’efficacité, d’abord pour savoir ce qui pourrait bien faire la différence entre le dire et la vérité. Déjà, il testait la constance de la parole en posant de nombreuses fois la même question, afin de vérifier la réponse et par là même la fiabilité du langage. À présent, il utilise le travestissement de la vérité au service de ses désirs.
La pulsion de vie est à nouveau en marche et Simba va débaucher sa copine Nala qui, au même âge que lui, n’attend qu’une légère incitation pour suivre les découvertes. Il la trouve entre les pattes de sa mère, Sarafina, qui lui donne son bain à la manière des lions, en la léchant. Elle y prend un plaisir évidant jusqu’à ce que son copain lui donne envie de voir des choses interdites. Au passage Simba n’échappe pas à sa mère qui veut le laver, mais il riposte : « tu me décoiffes » ! Le détachement est en route ainsi que la prise de conscience de son apparence. Les enfants, grands sourires hypocrites sur les lèvres, demandent la permission d’une petite ballade et, petit mensonge qui montre l’évolution, ils disent vouloir aller à « l’étang ». « L’étang » où il n’y a absolument rien à voir d’intéressant, mais qui est dans le bon périmètre, autorisé par les parents.
L’autorisation sur la base de leur mensonge est donnée mais le chaperon Zazu doit les accompagner. Leur préoccupation première étant de le semer en chemin et Zazu voyant leurs regards malicieux, leur connivence, les informe qu’il croit que la petite graine de l’amour est entre eux. Cette information provoque une grimace de dégoût des enfants qui n’en sont pas encore là. Ils répondent, étonnés, qu’ils ne peuvent pas se marier car ils sont copains.
En effet, ils n’en sont pas encore là, même s’ils y courent, et la remarque de Zazu est en avance sur leur conscience de ce vers quoi ils courent. Elle l’annonce prématurément, ne laissant pas l’avancée naturelle des pulsions sexuelles se faire, sans griller les étapes. Les adultes ont tendance à projeter leurs fantasmes sur les enfants et ceci d’autant plus depuis que la vulgarisation de la psychanalyse, a fait passer, dans la connaissance collective consciente, l’histoire des pulsions sexuelles depuis le début de la vie. Cependant, bien souvent, les adultes érotisent les enfants en alléguant autours de leurs soi-disant amours, petits fiancés, petite amoureuses, les projetant ainsi dans des situations artificielles qu’ils sont bien obligés de soutenir au risque de ne pas être « normaux ». Par ailleurs cet éclairage brutal de ce qui est le plus intime en chacun peut agir comme une effraction, une séduction, un étalage impudique des sentiments. Freud remarque : « Les enfants sont des jouets érotiques pour les adultes ».
A ce moment, les jeunes Simba et Nala ne sont pas traumatisés de la remarque de Zazu, tout au plus contestent-ils, ce qui donne à Simba l’occasion de faire sa démonstration du stade phallique, prétendant « supprimer la tradition », lorsqu’il sera grand. Rien que ça ! Projet au-delà du pharaonique qui est la signature de cette phase de structuration qui place l’enfant dans une position de toute puissance où, il EST la puissance, il est le Phallus. La réponse de Zazu, « pas tant que je serai là » s’entend sur plusieurs registres dont l’un est qu’il est celui qui, oiseau planant au dessus de la tête des enfants, et messager des parents, relaie leur parole en étant gardien de la loi. Il est celui qui rappelle les interdits et les fait se plier à l’ordre de la famille. Le surmoi.
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